Dans une œuvre romanesque, qu’il s’agisse d’une fiction ou d’un récit autobiographique, ce sont les personnages qui portent l’histoire, ainsi que le message que vous cherchez à faire passer au lecteur à travers votre écriture. Ces personnages jouent donc un rôle essentiel. Sans personnage vivant, incarné, crédible et attachant, votre récit peinera à intéresser et à marquer le lecteur.
Mais comment s’assurer justement que ses personnages soient suffisamment développés, « en chair et en os », et qu’ils retiendront l’intérêt du lecteur ? Voici 10 conseils pour créer des personnages marquants.
Quelques personnages de fiction célèbres
1. Sortez des lieux communs
L’un de nos premiers réflexes, lorsqu’on crée des personnages, est de commencer par une description générique. Par exemple : « Il était grand, brun et avait un regard ténébreux. »
Or, ces attributs passe-partout ne sont pas caractérisants, c’est-à-dire qu’ils ne nous permettent pas de nous faire une image précise du personnage. Des millions d’hommes sont grands et bruns… et qu’est-ce qu’un regard ténébreux d’abord ?
On croit que choisir des attributs qui sont communs à un grand nombre de personnes permet à un grand nombre de lecteurs de s’identifier au personnage. Or, c’est tout l’inverse : si le personnage est décrit de façon générique, alors le lecteur le trouvera plat, et en aucun cas il ne s’identifiera (ou ne s’intéressera) à lui.
Une autre erreur consiste à choisir des archétypes de personnages : la mère de famille dévouée et débordée, la grand-mère sage et réconfortante, le patron carriériste et machiavélique, l’enfant pur et innocent, l’immigré illettré et pauvre, etc. Si ces personnages sont des archétypes, c’est bien parce qu’ils existent. Cependant, en reprenant ces archétypes tels quels, sans les nuancer, vous tomberez inévitablement dans le cliché, et risquez de dire ce qui a déjà été dit mille fois.
2. Faites-en des individus uniques
Pour éviter que vos personnages soient stéréotypés ou caricaturaux, vous devez donc faire en sorte de les rendre uniques. C’est à cette condition qu’ils seront à la fois vivants, crédibles et attachants. Vous pouvez avoir le meilleur style d’écriture du monde, mais si vos personnages ne captivent pas le lecteur, alors il y a de grandes chances pour que celui-ci referme définitivement votre livre.
Pour rendre un personnage unique, donnez-lui des caractéristiques particulières, qui soient cohérentes avec sa personnalité et son histoire. Par exemple :
une cicatrice, suite d’un accident vécu par le personnage et qui continue de le hanter dans son présent ;
une habitude incongrue, révélatrice d’une faiblesse ou d’une peur du personnage ;
une posture physique, représentative de son tempérament ou de ce qu'il essaie de cacher, etc.
Soyez le plus spécifique possible.
Un bon moyen d’obtenir des personnages uniques est de casser les archétypes. N’ayez pas peur de choisir pour héros une mère de famille qui n’aime pas ses enfants, une grand-mère toxique, un patron bienveillant, un enfant tyrannique, un immigré qui reçoit le prix Nobel, etc. Ces profils inhabituels éveilleront la curiosité du lecteur : celui-ci cherchera à savoir pourquoi ces personnages sont ainsi, et il aura donc envie de poursuivre la lecture de votre livre.
3. Rendez-les vulnérables
Une autre erreur fréquente est de vouloir faire de ses personnages, notamment son personnage principal, un être héroïque qui soit parfait : beau, intelligent, gentil, drôle, courageux, empathique, engagé, etc. Ce type de personnage n’est pas du tout crédible. Avez-vous déjà rencontré dans la vie une personne qui n’ait aucun défaut ?
A l’inverse, plus votre personnage principal sera vulnérable, plus il sera complexe et attachant. C’est à ce type de personnage que le lecteur s’identifiera le plus facilement. Donnez donc à votre personnage une faille, une faiblesse, une blessure. Qu’elle soit physique, psychologique ou émotionnelle. La vulnérabilité, c’est ce qui rend votre personnage humain, et donc vivant, crédible et intéressant.
4. Mettez-les à l’épreuve
En tant qu’auteur, on peut parfois rechigner à faire souffrir ses personnages. En effet, à force de passer des heures et des heures à les définir, on finit par s’attacher à eux et il devient alors contre-intuitif de les jeter dans les pires embûches.
Pourtant, pour qu’une histoire soit captivante et que le lecteur ait envie de suivre les personnages, ceux-ci doivent subir des épreuves et surmonter des obstacles. C’est à travers les crises qu’un individu dévoile sa vraie nature, dans la vie comme dans la fiction. Aussi, plus vous créerez de difficultés pour votre héros et plus vous aurez d’opportunités de montrer qui est ce personnage, dans ses meilleurs comme dans ses pires jours.
5. Soyez leur psy !
Comme j’aime à le répéter dans mes ateliers d’écriture, pour être un bon écrivain, vous devez être un fin psychologue. Connaître la psychologie humaine vous permettra de créer des personnages complexes et de comprendre les motivations des individus dans leurs quêtes effrénées (ou les raisons de leur passivité pathologique).
Cherchez à comprendre pourquoi vos personnages sont ce qu’ils sont au moment où l’histoire commence. Pour cela, vous devrez remonter loin dans leur passé et réfléchir aussi à leur futur, refaire tout l’historique de leur vécu, du jour de leur naissance à leur mort, même si votre récit ne couvre qu’une seule année voire un seul jour de leur vie. Qu’ont-ils vécu durant leur enfance qui les ait marqués définitivement ? Pourquoi courent-ils après tel objectif ? Quelle est leur plus grande peur ? Leur secret inavoué ? Pour comprendre la complexité de vos personnages, vous devez devenir leur biographe et leur psy !
6. Travaillez leurs voix
Créer des personnages marquants et les rendre uniques, c’est aussi leur attribuer une voix spécifique, une façon de s’exprimer qui soit à l’image de leur milieu social, leur niveau d’éducation, leur tempérament.
Vos personnages doivent être reconnaissables à leur manière de s’exprimer. Ils ne peuvent donc pas tous parler de la même façon, avoir les mêmes tics de langage, et surtout, ils ne doivent pas avoir la même voix que le narrateur ou que vous-même, l’auteur.
7. Inspirez-vous de votre entourage…
Bien évidemment, l’écrivain trouve sa matière première dans ce qui compose son environnement et son quotidien. Il est donc naturel que vous vous inspiriez des personnes que vous connaissez pour créer vos personnages.
Pour autant, vous ne pourrez pas faire l’économie d’une réflexion et d’une construction de vos personnages. En effet, c’est une erreur de penser que, parce que votre héros est votre père ou votre meilleur ami – une personne que vous connaissez très bien – alors vous n’avez pas besoin de creuser ce personnage. Un individu réel est plein de contradictions et d’incohérences, son parcours est souvent chaotique ; tandis qu’un personnage romanesque doit être cohérent, et son parcours doit suivre une certaine logique, celle de l’histoire que vous cherchez à raconter et du message que vous essayez de transmettre au lecteur.
8. … Mais sachez aussi vous détacher de la réalité
Si vous écrivez une autofiction ou un roman autobiographique, gardez en tête qu’en dehors de vos proches et amis, personne ne s’intéressera à votre vécu personnel. En effet, le lecteur n’a pas envie de lire l’histoire d’un inconnu. Ce qu’il veut lire, c’est un récit bien écrit, une histoire captivante dans laquelle il pourra se projeter, s’identifier au héros (ou à un personnage secondaire), trouver des réponses à des questions qu’il se pose lui-même, apprendre de nouvelles choses.
Pour plaire à un lecteur qui ne vous connaît pas, votre roman devra donc avoir une portée universelle, même si la trame est construite autour d’une tranche de votre vie. Pour cela, il convient de ne pas faire un « copier/coller » de la réalité ni de rester attaché aux détails de votre vie, mais de sélectionner les éléments qui vous permettront :
de mettre en place une logique et une cohérence tout au long du roman (la vie, telle qu’on la vit, n’est pas toujours logique et cohérente !) ;
d’avoir un fil conducteur facilement identifiable pour le lecteur (un seul, et non plusieurs) ;
d’accentuer un ou deux aspects de l’histoire qui vous semblent particulièrement intéressants (et non pas toute une liste de thématiques dont aucune ne serait approfondie ni mémorable) ;
de faire passer un message fort (plutôt que de laisser le lecteur sur sa faim parce qu’il n’aura pas compris l’intérêt de ce roman).
En gros, même si c’est de vous dont vous parlez, vous devez prendre du recul et être capable de traiter votre matière première (votre vécu) comme n’importe quel matériau romanesque et faire de vous-même un personnage aux contours bien délimités.
9. Créer des personnages grâce à des fiches
Par où commencer et comment s’organiser pour créer des personnages ?
Il peut être utile d’utiliser un canevas, un questionnaire, une fiche à remplir dans laquelle vous devrez répondre à un certain nombre de questions concernant votre personnage. Il existe de nombreux modèles de fiches personnages téléchargeables sur le net. Inspirez-vous en pour compiler votre propre fiche et l’adapter aux besoins de votre roman. Cet outil vous permettra non seulement de vous interroger sur l’identité de vos personnages, mais aussi de vous assurer de leur cohérence, et donc de leur crédibilité. Etablissez une fiche détaillée pour chacun de vos personnages importants (principaux et secondaires).
10. Vivez avec eux au quotidien
Brosser le portrait de vos personnages grâce une fiche est un début, mais ne sera guère suffisant pour obtenir des personnages complexes et marquants.
Pour creuser et développer vos personnages, leur donner de la profondeur, il convient de prendre le temps de faire leur connaissance. Comme dans la vraie vie, connaître quelqu’un, cela ne se fait pas en quelques heures, mais sur plusieurs mois. Vous devez donc passer du temps avec vos personnages, leur poser des questions sur leur passé, leurs blessures, leurs peurs, leurs motivations, leurs opinions, leurs désirs, leurs fiertés.
Imaginez-les vivant avec vous au quotidien : que prennent-ils au petit-déjeuner ? Comment se comportent-ils face à un inconnu ? Que font-ils lorsqu’ils sont seuls ? Travaillent-ils en musique ou en silence ? Ont-ils une routine ou sont-ils dans l’improvisation permanente ? etc. Les réponses à ces questions ne seront pas toujours exploitables dans votre roman, c’est-à-dire que vous ne pourrez pas forcément reprendre les réponses écrites pour les intégrer à votre manuscrit. En revanche, ces réponses vous apporteront des informations précieuses qui vous permettront d’atteindre une connaissance fine et nuancée de vos personnages. Riche de cette connaissance, lorsque vous mettrez en scène vos personnages dans votre roman, leur profondeur et leur complexité transparaîtront à l’écrit, et le lecteur les ressentira.
Ecrire un roman ne se résume pas à la rédaction du manuscrit à proprement parler. L’écriture d’un roman comporte plusieurs étapes, dont une longue étape de construction avant même de poser les premiers mots de la scène d’ouverture. Ainsi, les personnages ne s’improvisent pas au fur et à mesure qu’on compose son roman, mais exigent de la réflexion, de noircir des dizaines de pages de notes, dont on ne gardera peut-être que quelques phrases. Mais ce travail exploratoire, ces recherches en amont, cette écriture intuitive sont indispensables si vous voulez aboutir à un roman de qualité, sans incohérence, tout en nuances et en subtilité.
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