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Interview : 10 questions à Christine Leang sur son roman, Au royaume des aveugles

Dernière mise à jour : 19 oct. 2023

L’équipe de L’atelier d’écriture by Christine a interviewé sa fondatrice Christine Leang sur la sortie imminente de son roman Au royaume des aveugles (en librairie le 25 septembre 2021).





L’équipe : Christine, Au royaume des aveugles, ton premier roman, est sur le point d’être publié. Tu dois ressentir une grande fierté ?


Christine Leang : Fierté n’est pas le bon mot. Disons que je suis contente que le livre voit le jour, et impatiente que les lecteurs découvrent l’histoire et l’univers de ce roman.

Si l’on veut parler de satisfaction personnelle, je dirais qu’elle ne tient pas tant à la publication du livre, qu’au fait d’être allée jusqu’au bout de son écriture. Ce sont les milliers d’heures de travail, le fait d’avoir traversé et surmonté tant de moments de doute, d’être partie de zéro et d’être arrivée à un roman complet, avec des personnages que je crois vivants et attachants, qui ancrent le sentiment d’accomplissement et de satisfaction personnelle.


Ce n’est pourtant pas le premier livre que tu as écrit et publié ?


CL : Non, en effet. Mon premier livre, Embarquement pour la Chine, a été publié en 2013. Il s’agit d’un recueil de récits historiques. La démarche créative était assez différente, dans la mesure où je suis partie de personnalités existantes et qu’un gros travail de recherches a dû être effectué. Même si l’écriture adopte un style romanesque, pour ce premier livre, je n’ai pas eu à créer un univers, donner vie à des personnages en partant de zéro.

En revanche, ce qui a été similaire dans l’expérience, c’est le travail, la persévérance, les doutes, présents d’un livre à un autre. A chaque fois qu’on commence un nouveau livre, on fait face à une montagne et on sait que l’ascension sera terrible. Être allée jusqu’au bout de l’expérience une première fois permet de se dire : « Je l’ai déjà fait, alors je devrais être capable de le refaire ». Mais cela ne rend pas le chemin moins ardu et on sait que le résultat n’est jamais acquis d’avance.


Sans spoiler le roman, peux-tu nous donner un avant-goût de l’histoire ?


CL : Au royaume des aveugles raconte avant tout les aventures d’Alex et Chloé, un père et sa fille, qui ont tout quitté à Paris pour venir s’installer en Chine. Alex a été recruté comme professeur au Lycée Bonaparte de Shanghai, où Chloé est elle-même scolarisée. Dans ce contexte inédit pour eux, de nombreuses péripéties et rencontres attendent le père et sa fille. Ça, c’est l’histoire qui est racontée au premier plan, l’intrigue principale.


« Shanghai que j’ai connu, admiré, respiré, pleuré. »


Mais le roman porte aussi sur bien d’autres choses, des thèmes qui me tiennent à cœur : la critique d’un système scolaire défaillant, le monde des expatriés, ma vision (un peu pessimiste) de l’humain, et bien sûr, Shanghai, qui est la grande star du roman. Je tenais à rendre hommage à cette ville où j’ai vécu pendant treize ans et à laquelle je dois tant. Je l’ai donc mise en scène de la manière la plus spécifique possible, qu’elle soit au plus proche du Shanghai que j’ai connu, admiré, respiré, pleuré.


Que faut-il comprendre du titre « Au royaume des aveugles » ?


CL : Chez moi, le choix du titre vient souvent à la fin, une fois que j’ai terminé d’écrire le livre. Pour celui-ci, j’ai su assez rapidement que le titre comporterait le mot « aveugle » ou l’un de ses dérivés. En effet, l’aveuglement volontaire est un phénomène qui m’a toujours interpellée. Cette thématique est la raison principale pour laquelle j’ai voulu écrire ce livre. J’en ai donc fait le fil conducteur du roman.


Le livre est-il autobiographique ?


CL : Non. Si l’idée de départ est inspirée d’une tranche de vie personnelle, tous les personnages, ainsi que l’intrigue du roman, sont pure fiction.

Bien entendu, l’écriture est un acte intime et chaque mot est toujours le reflet de l’auteur, de ses convictions, ses valeurs. Mais cela ne veut pas dire que les personnages doivent lui ressembler, vivre ce qu’il a vécu, ou être des ersatz de sa personnalité.

Je dirais que le travail de l’écrivain consiste à prendre du recul, faire des observations sur son vécu ou celui des autres avec un œil détaché, en dégager des thèmes et des messages universels qui dépassent la vie d’un simple individu et qui feront que le lecteur se dira : « Cet auteur arrive à mettre des mots sur mes propres expériences et ce livre m’aide à mieux comprendre ce que j’ai moi-même vécu. »


Combien de temps as-tu mis pour l’écrire ?


CL : Trois ans et demi en tout. Ce qui, selon mon expérience et celles de mes confrères, est une durée assez classique. Au cours des ateliers d’écriture que j’anime, lorsqu’on me pose la question : « Combien de temps faut-il pour écrire un roman ? » et que je réponds : « Au moins deux-trois ans », les réactions les plus fréquentes sont l’étonnement, l’inquiétude, voire le rejet de cette réalité.


« Un bon livre ne s’écrit jamais de façon linéaire ou d’un seul jet. »


Il me paraît illusoire de penser qu’on puisse écrire et faire aboutir un livre de qualité en quelques mois seulement. En effet, certaines phases du processus, comme celle de la construction – indispensable si l’on veut arriver à un livre qui ait une vraie cohérence – ou les nombreuses réécritures qui suivront le premier jet, prennent du temps. Et le temps passe toujours très vite ! Un bon livre ne s’écrit jamais de façon linéaire ou d’un seul jet. Il faut y revenir encore et encore, faire de nombreux allers-retours pour s’assurer de la solidité de l’édifice qu’on est en train de construire. Boileau le disait déjà au XVIIe siècle : « Hâtez-vous lentement ; et, sans perdre courage, Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage… ».

Aussi, il ne faut pas oublier que 98% des écrivains exercent un autre métier à temps plein pour payer leurs factures. Au mieux, ils ne consacrent donc que quelques heures à l’écriture par jour. Trois ans pour faire aboutir un livre, ce n’est finalement pas si long.


Qu’est-ce qui est le plus difficile dans l’écriture d’un roman ?


CL : D’aller jusqu’au bout. De persévérer, s’installer à son bureau, ouvrir son carnet et son traitement de texte, se mettre au travail chaque jour, même et surtout lorsqu’on a l’impression qu’on n’y arrivera jamais, que plus on avance et plus on a l’impression qu’il y a à faire, que le processus est sans fin.

Christine Leang
Christine Leang

Il faut surmonter les moments de doute aussi. Ceux où l’on remet tout en question, sa légitimité à vouloir écrire un livre, sa capacité à le faire jusqu’au bout, la pertinence de son sujet. Philip Roth disait, « L’écriture n’est pas un travail difficile, c’est un réel cauchemar. » Je trouve que ce sont ces instants-là les plus difficiles. Car face à ces moments de découragement, d’une façon ou d’une autre, il faut trouver le moyen de recommencer et se remettre au travail le lendemain.




Le plus difficile n'est-il pas d'avoir de l'imagination, puis de réussir à mettre ces images en mots ?


CL : Non. En tout cas, pas à mon sens. L'imagination et la capacité à mettre en mots des images sont plutôt des prérequis à l'envie d'écrire. Sans la capacité à persévérer et à aller jusqu'au bout, les plus belles phrases de l'écrivain le plus talentueux ne deviendront jamais un livre.


D’autres projets ? D’autres livres ?


CL : Oui ! Je travaille actuellement sur un roman en anglais, qui a pour décor une école d’arts martiaux située dans un petit village du sud de la Chine. Il s’agit d’un projet commencé il y a dix ans, que je suis bien déterminée à finir cette fois-ci.


La Chine, toujours...


CL : (Elle rit.) Oui ! J'aime profondément la Chine et elle représente une part importante de mon identité. J'y ai vécu des années cruciales (de 24 à 37 ans) et c'est en Chine que j'ai embrassé ma vocation d'écrivain. La Chine est un formidable terrain de création ; elle est aussi très attachante si l'on sait apprécier son humanité.

Après mon roman sur les arts martiaux, j’ai en tête une saga en trois tomes, retraçant le parcours d’une famille d’origine chinoise en exil, subissant les affres de la guerre et de la folie humaine au fil des décennies. Le premier tome sera inspiré de l’histoire personnelle de mes parents qui ont fui le régime khmer rouge au Cambodge pour venir trouver refuge en France.

J’ai également prévu de publier un manuel d’écriture qui reprendrait la méthode que j’enseigne dans mes formations et ateliers d’écriture. Un recueil de nouvelles aussi, ainsi que deux-trois autres idées qui commencent à prendre forme…

Et bien sûr, l’activité des ateliers, stages et formations à l’écriture créative et littéraire qui reprend dès septembre.



Au royaume des aveugles, éditions Pacifica Paris, 322 pages.

ISBN : 978-2-38260-011-5.

En librairie le 25 septembre 2021.


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