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Conseil d’écriture : pourquoi et comment créer une routine d'écriture ?

Dernière mise à jour : 13 août

Vous vous demandez à quoi ressemble la journée d’un écrivain ? Est-ce qu’un écrivain suit une routine d'écriture particulière, avec des habitudes définies et ordonnées, ou se laisse-t-il porter par ses envies, son intuition, ou pire : l’inspiration ?


Certains mythes sont plus difficiles à briser qu’un bloc de béton armé. On m’a souvent demandé si je me servais un verre de vin rouge (pourquoi rouge, je n’ai jamais su 🤔) et allumais une cigarette avant de démarrer une séance d’écriture (je ne bois pas et ne fume pas 😉) ; où et comment je trouvais l’inspiration pour écrire mes textes (il y a longtemps que j’ai arrêté d’attendre l’inspiration).


On ne le dira jamais assez : l’écriture n’a rien de magique. Elle ne requiert aucun contexte particulier, ni de prédispositions, ni d’être frappé par l’inspiration. Comme pour toute discipline, l’écriture requiert un apprentissage, de la pratique, énormément de pratique. Pour le dire autrement, l’écriture est comme un muscle : plus vous travaillerez ce muscle et plus il vous sera facile d’écrire.




Pourquoi une routine d'écriture ?


« Routine » : un mot souvent connoté négativement en français. Son sens le plus connu aujourd’hui est le suivant :

  1. Habitude de penser ou d'agir selon des schémas invariables, en repoussant toute idée de nouveauté et de progrès.

  2. Acte régulier et machinal, fruit d'une habitude plus que d'une réflexion. [1]

Pourtant, le sens premier du mot « routine », complètement tombé dans l’oubli, est le suivant : connaissance, habileté acquise par l'expérience, la pratique, plus que par l'enseignement ou l'étude.


La routine n’est donc pas que mauvaise : elle permet avant tout d’acquérir une « habileté » grâce à la pratique.


Or, la pratique ne s’improvise pas et ne saurait être intermittente si l’on veut terminer l’écriture d'un livre. Il est utopique de croire qu’on pourra venir à bout de ce projet de roman qu’on a en tête depuis des années grâce à quelques moments de fulgurance. Il est donc nécessaire de consacrer à sa pratique des créneaux réguliers et de programmer ceux-ci, c’est-à-dire de créer une routine d'écriture et de s’y tenir jusqu’à ce que l’écriture devienne une habitude ancrée.


Eric Reinhardt : « La force de l’habitude est plus forte que l’inspiration. » [2]

Les habitudes d'écriture des grands écrivains : quelques exemples


Haruki Murakami se lève à quatre heures du matin et travaille pendant cinq ou six heures. Dans l’après-midi, il court dix kilomètres ou nage quinze cents mètres (ou les deux), puis il lit et écoute de la musique (avant d’être écrivain, il tenait un bar de jazz), avant de se coucher à neuf heures du soir. Il répète cette routine tous les jours, inlassablement, sans variation. Pour reprendre ses mots : « La répétition elle-même est ce qu’il y a de plus important. » Selon lui, écrire un long roman est comme une formation à la survie : la force physique est aussi nécessaire que la sensibilité artistique.


Comme Murakami, Ernest Hemingway était matinal. Il commençait ses séances d’écriture à six heures du matin et écrivait cinq à six heures par jour (quasiment jamais l’après-midi). Sa routine d'écriture consistait à relire d’abord les pages écrites la veille ; puis, il se mettait à écrire et s’arrêtait toujours à un moment connu de son intrigue, afin de reprendre l’écriture de son roman sans avoir à y réfléchir le lendemain. Le plus souvent, il mettait fin à sa séance d’écriture journalière au moment où il avait le plus envie d’écrire, s’assurant ainsi de ne jamais manquer de motivation.


Alice Munro, prix Nobel de littérature 2013, ne cherche pas à être une athlète de haut niveau comme Murakami, mais elle ne peut se passer de ses cinq kilomètres de marche tous les jours, après ses trois heures d’écriture quotidienne.

Leon Tolstoï, quant à lui, écrivait chaque jour sans faute, « pas tant pour le succès que pour ne pas sortir de sa routine », disait-il. Pendant ses séances d’écriture, personne n’était autorisé à entrer dans son bureau. Non seulement il s’enfermait à clé, mais les portes des salles adjacentes à son étude étaient elles aussi verrouillées pour s’assurer qu’il ne serait pas distrait par des bruits provenant des pièces voisines.


Un exemple encore plus extrême est Friedrich von Schiller, qui « plaçait dans ses tiroirs des pommes pourries, dont l’odeur l’insupportait, afin d’écrire plus vite, et plongeait ses pieds dans des bacs d’eau glacée pour éviter de somnoler » ! [3]




On constate chez ces grands écrivains plusieurs constantes :



Ma routine : comment se passe mes séances d’écriture ?


l'auteure Christine Leang au travail

J’écris également de préférence le matin. En fonction des différents emplois que j’ai exercés dans le passé, j’ai pu écrire à quatre ou cinq heures du matin, avant de prendre mon poste au lycée ; à six heures du matin quand j’avais des horaires de bureau ; à chaque pause de dix minutes lorsque j’étais dans la restauration et que mes journées s’étalaient de 10h30 à minuit. Aujourd’hui, en étant directrice et formatrice de L’atelier d’écriture by Christine, je ne dispose pas forcément de plus de temps, mais j’ai le privilège d’organiser mes journées en fonction de mes priorités. Il n’en demeure pas moins que je me tiens à une routine bien huilée, car l’expérience m’a montré à plusieurs reprises à quel point la discipline créait plus de liberté – que celle-ci prenne la forme de temps libre supplémentaire ou d’une plus grande disponibilité d’esprit.


Lorsque ma charge de travail est moins importante, je peux prendre trois heures (9h-12h) pour l’écriture de mon roman. Mais quand je dois consacrer la majeure partie de mon temps à l'animation et à la gestion de mes ateliers d’écriture ou que j’ai des urgences à gérer, alors je m’astreins à écrire trente minutes par jour. A minima, je suis le mantra suivant : « Une ligne vaut mieux que rien du tout ».


Voici à quoi ressemble ma routine d'écriture :


Avant de commencer l’écriture :

  • J’exécute les tâches professionnelles ou personnelles qui ont besoin de l’être pour ne plus avoir à y penser, ou je les programme à une heure précise de l’après-midi pour être sûre qu’elles seront traitées.

  • Je m’assure également de prévenir les personnes qui ont besoin de l’être que je serai indisponible pendant mes heures d’écriture. Evidemment, je ne prends aucun rendez-vous durant mon créneau d’écriture.

  • Lorsque je m’apprête à écrire, je mets mon smartphone en mode avion et le retourne afin de ne pas en voir l’écran. Superflu, me direz-vous, l’engin ne risque pas de sonner. C’est vrai, mais ce petit geste, celui de retourner mon téléphone, fait partie intégrante de ma routine et fonctionne comme un rituel. Mieux : les jours où j’ai le luxe de pouvoir écrire plusieurs heures d’affilée, je vais jusqu’à déposer mon téléphone dans une autre pièce que mon bureau. Dans la cuisine par exemple. Là encore, c’est purement symbolique, mais cela me permet d’oublier complètement l’existence de cet objet pendant la totalité de mon créneau d’écriture.


Pendant l’écriture :

  • Je commence par dix à quinze minutes d’écriture automatique, durant lesquelles je m’autorise à écrire librement pour me « vider la tête », mettre de côté les préoccupations du moment qui pourraient venir parasiter mon travail d’écriture.

  • Je m’astreins à aligner les mots, quels que soient ces mots, même si ce que j’écris me déplait. Entendre le bruit de mes doigts qui tapotent sur le clavier est comme le coup de sifflet qui me permet de me lancer dans la course. Il sera toujours temps de retravailler mon phrasé plus tard. Ce qui compte pour moi, c’est de me mettre rapidement à écrire, de démarrer, pour ne pas rester sur la touche.

  • Et si je bloque vraiment, si mes pensées sont éparpillées et que les dix minutes d’écriture automatique n’ont pas réussi à me faire oublier mes soucis, alors je me lève et vais marcher 10-15 minutes. Si je ne peux pas sortir parce que les circonstances ne me le permettent pas, alors je m’occupe à des tâches ménagères pendant un quart d’heure. Ce qui compte, c’est que mon corps soit en mouvement et non statique. Ensuite, je reviens à mon bureau et redémarre ma routine d'écriture.


Après l’écriture :

  • En fin de journée, quand j’ai terminé ma journée de travail et d’écriture, je range mon bureau. Je fais en sorte de ne rien laisser qui traîne sur ma table. Cela me prend généralement deux-trois minutes, mais le bénéfice est sans commune mesure avec le temps investi : le lendemain matin, je retrouve un bureau en ordre, je peux ainsi commencer ma journée de travail et mon créneau d’écriture avec une vue dégagée et un esprit serein, plutôt qu’avec la vision d’un fouillis qui aura forcément un impact négatif sur ma créativité et ma productivité.



Comment créer votre propre routine d'écriture ?


Il n’y a pas une seule bonne routine d'écriture. Il en existe certainement autant qu’il existe d’individus. A vous d’expérimenter plusieurs stratégies et de trouver celle qui vous convient le mieux. Voici quelques lignes directrices et recommandations pour créer votre propre routine d'écriture :

  • Faites en sorte d’éliminer tous les obstacles à l’écriture qu’il vous est possible d’anticiper : distractions, interruptions intempestives, visites impromptues, tâches faussement urgentes, etc. ;

  • Créez un espace de travail où vous aurez plaisir à vous rendre : cela peut-être votre bureau, une pièce ou un coin de pièce aménagé pour l’écriture (avec vos outils fétiches) ou un café où vous savez que vous ne serez pas dérangé ;

  • Gardez en tête deux objectifs : concentration et productivité durant ce temps d’écriture ;

  • Soyez ponctuel : faites de votre créneau d’écriture un rendez-vous aussi important que celui chez le médecin ou celui où vous allez chercher vos enfants à l’école.

  • Soyez régulier : c’est la clé de la réussite, en écriture comme dans toute discipline. Ecrivez tous les jours, sinon plusieurs fois par semaine, à défaut une fois par semaine (de préférence le même jour, pour ancrer la routine).

Mais n’oubliez pas qu’au final, la seule constante, c’est que rien n’est immuable, tout change et si vous souhaitez placer l’écriture au tableau de vos priorités, vous devez lutter pour protéger votre temps d’écriture et sans cesse réajuster votre routine.


Si vous êtes prêt à placer l’écriture au cœur de votre quotidien et que vous souhaitez construire votre propre routine d'écriture, rejoignez-nous pour une prochaine session de notre stage d’écriture « Devenir un écrivain discipliné ». Cette formation à la création littéraire vous permettra de mettre en place de solides habitudes d’écriture, de pratiquer chaque jour à partir d’exercices d’écriture créative, d’apprendre une méthodologie complète pour commencer et terminer l’écriture d’un premier roman.




Sources :

[2] Interview d’Éric Reinhardt par Pierre Ménard, le 19 octobre 2020.

[3] Pierre Ménard, Le grand roman de l’écriture. Editions Novice, 2021.

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