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Prix Nobel de littérature : extraits des discours de 8 lauréats

En 2024, notre club de lecture en ligne avait pour thématique les auteurs lauréats du prix Nobel de littérature. Ainsi, nous avons lu une sélection de romans écrits par Jose Saramago, Orhan Pamuk, Alice Munro, François Mauriac, Kazuo Ishiguro, Isaac Bashevis Singer, Gabriel Garcia Marquez et Han Kang.



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Pour (re)découvrir ces grands auteurs, leur œuvre et leur pratique d'écriture, nous avons compilé les meilleurs extraits de leurs discours, prononcés lors de leur couronnement par l'Académie suédoise.


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Jose Saramago : prix Nobel de Littérature 1998


Jose Saramago reçoit le prix Nobel de littérature

A propos de l'auteur :

Ecrivain portugais, Jose Saramago (1922-2010) est l'auteur de vingt romans, dont L’Aveuglement et La Lucidité, et d’une vingtaine d’autres ouvrages (essais, poésie, théâtre, contes). A ce jour, il reste l’unique auteur lusophone a avoir reçu le prix Nobel de Littérature.


L'avis de l'Académie suédoise :

« Grâce à ses paraboles soutenues par l’imagination, la compassion et l’ironie, Jose Saramago rend sans cesse tangible une réalité fuyante dans une œuvre aux profondeurs insoupçonnées et au service de la sagesse. »


Extraits de son discours :

L'apprenti* pensa, « Nous sommes aveugles », et il s'assit et écrivit L’Aveuglement pour rappeler à ceux qui pourraient le lire que nous pervertissons la raison en humiliant la vie, que la dignité humaine est insultée chaque jour par les puissants de notre monde, que le mensonge universel a remplacé les vérités plurielles, que l'homme a cessé de se respecter lui-même lorsqu'il a arrêté de respecter ses semblables. Alors l'apprenti, comme pour exorciser les monstres générés par l'aveuglement de la raison, se mit à écrire la plus simple de toutes les histoires : une personne en cherche une autre, parce qu'elle a compris que la vie n'a rien de plus important à exiger d'un être humain.

 

*Jose Saramago se désigne lui-même comme un « apprenti ».

 

 

Orhan Pamuk : prix Nobel de Littérature 2006


Orhan Pamuk  reçoit le prix Nobel de littérature

A propos de l'auteur :

Ecrivain né à Istanbul en 1952, Orhan Pamuk est l'auteur de onze romans dont Mon nom est rouge, Neige et La Femme aux cheveux roux, et d’une dizaine d’essais et de récits. Il est le premier Turc à recevoir la prestigieuse distinction.

 

L'avis de l'Académie suédoise :

« Dans sa quête de l’âme mélancolique de sa ville natale, Orhan Pamuk a trouvé de nouvelles images spirituelles pour le combat et l'entrelacement des cultures. »


Extraits de son discours :

Pour moi, être écrivain, c’est découvrir patiemment, au fil des années, la seconde personne, cachée, qui vit en nous. L’écriture m’évoque en premier lieu, non pas les romans, la poésie, la tradition littéraire, mais l’homme qui, enfermé dans une chambre, se replie sur lui-même, seul avec les mots, et jette, ce faisant, les fondations d’un nouveau monde. Cet homme, ou cette femme, peut utiliser une machine à écrire, s’aider d’un ordinateur, ou bien, comme moi, passer trente ans à écrire au stylo et sur du papier. En écrivant, il peut fumer, boire du café ou du thé. Il peut écrire de la poésie, du théâtre ou des romans. Toutes ces variations sont secondaires par rapport à l’acte essentiel de s’asseoir à une table, et de se plonger en soi-même. Ecrire, c’est traduire en mots ce regard intérieur, passer à l’intérieur de soi, et jouir du bonheur d’explorer patiemment, et obstinément, un monde nouveau. Les mots pour nous, écrivains, sont les pierres dont nous nous bâtissons. Le secret du métier d’écrivain réside non pas dans une inspiration d’origine inconnue mais sur l’obstination et la patience. Une jolie expression turque, « creuser un puits avec une aiguille », me semble avoir été inventée pour nous autres écrivains.


La question la plus fréquemment posée aux écrivains est la suivante : « Pourquoi écrivez-vous ? » J’écris parce que j’en ai envie. J’écris parce que je suis très fâché contre vous tous, contre tout le monde. J’écris parce qu’il me plaît de rester enfermé dans une chambre, à longueur de journée. J’écris parce que je ne peux supporter la réalité qu’en la modifiant. J ‘écris pour que le monde entier sache quel genre de vie nous avons vécu, nous vivons moi, les autres, nous tous, à Istanbul, en Turquie. J’écris parce que je crois par-dessus tout à la littérature, à l’art du roman. J’écris parce que c’est une habitude et une passion. J’écris pour être seul. J’écris dans l’espoir de comprendre pourquoi je suis à ce point fâché avec vous tous, avec tout le monde. J’écris parce que la vie, le monde, tout est incroyablement beau et étonnant. J’écris parce que je n’arrive pas à être heureux, quoi que je fasse. J’écris pour être heureux.

 

 

Alice Munro : prix Nobel de Littérature 2013


portrait d'Alice Munro

A propos de l'auteure :

Auteure de quinze recueils de nouvelles, Alice Munro (1931-2024) est la treizième femme et première ressortissante canadienne à recevoir le prix Nobel de Littérature.

 

L'avis de l'Académie suédoise :

« Alice Munro est la souveraine de l'art de la nouvelle contemporaine. »


Extraits de son discours :

Longtemps, j’ai été femme au foyer. Je n’avais donc pas la possibilité d’être absorbée par mon écriture. J'ai appris à me mettre à écrire dès qu’un moment de libre se présentait. Il y a eu des moments où j'étais découragée, par exemple quand j’ai compris que mes écrits n'étaient pas bons, que j'avais beaucoup à apprendre et que c'était un travail beaucoup plus difficile que ce je pensais.


Généralement, le démarrage d’un nouveau texte est excitant ; la suite du travail est plutôt agréable aussi. Mais vient un matin où vous reprenez le tout, et vous pensez « c’est absolument mauvais ». C'est à ce moment-là qu'il faut vraiment se mettre au travail. Si un texte est mauvais, ce n’est pas l’histoire qui est en cause, c’est uniquement la faute de l’auteur. Alors, il faut donner une deuxième chance aux personnages, les voir sous un autre angle, leur faire faire quelque chose de différent. Durant mes premières années d’écriture, ma prose était pleine de coquetteries inutiles. Progressivement, j’ai appris à les éliminer. Il faut sans cesse réfléchir à son histoire, découvrir ce qui se cache sous l’intrigue, le sens profond.

 

🗒️ A lire également : notre article « Les écrivains au travail : Alice Munro »



François Mauriac : prix Nobel de Littérature 1952


François Mauriac  reçoit le prix Nobel de littérature

A propos de l'auteur :

François Mauriac (1885-1970) est l’auteur d’une vingtaine de romans, d’une trentaine d’essais et d’une quarantaine d’autres ouvrages (nouvelles, récits, mémoires, autobiographies, correspondances…).

 

L'avis de l'Académie suédoise :

« Les romans de François Mauriac décrivent le drame de la vie humaine avec une profonde imprégnation spirituelle et une intensité artistique. »


Extraits de son discours :

Nous nous croyons toujours très singuliers ; nous oublions que les livres qui nous ont enchantés nous-mêmes, ceux de George Eliot ou de Dickens, de Tolstoï ou de Dostoïeski, ou de Selma Lagerlöf, décrivent des pays très différents du nôtre, des êtres d’une autre race et d’une autre religion ; et pourtant nous ne les avons aimés que parce que nous nous y sommes reconnus. Le don du romancier se ramène précisément au pouvoir de rendre évidente l’universalité de ce monde étroit où nous sommes nés, où nous avons appris à aimer et à souffrir.


Les mortels, parce qu’ils sont mortels, redoutent jusqu’au nom de la mort ; ils s’étonnent et se scandalisent de ce qu’une œuvre romanesque décrit la solitude des êtres au sein de l’amour même. « Dites-nous des choses qui nous plaisent », disaient les Juifs au prophète Isaïe. « Trompez-nous par des erreurs agréables… » Oui, le lecteur exige que nous le trompions par des erreurs agréables. Et pourtant les œuvres qui sont demeurées vivantes dans la mémoire des hommes, sont celles qui ont assumé le drame humain tout entier et qui ne se sont pas dérobées devant l’évidence de la solitude sans remède au sein de laquelle chacun de nous a dû affronter son destin jusqu’à la mort, cette solitude dernière, puisqu’enfin nous mourrons seul.


Chaque fois qu’en France une femme tente d’empoisonner son mari ou d’étrangler son amant, on me dit : « Voilà un sujet pour vous… » Je passe pour tenir une sorte de musée des horreurs. Je suis spécialisé dans les monstres. Et pourtant mes personnages se distinguent sur un point essentiel de presque tous ceux qui peuplent les œuvres romanesques, de ce temps : ils pressentent qu’ils ont une âme. Toutes mes créatures ne croient peut-être pas que Dieu est vivant, mais elles ont toutes conscience qu’une part de leur être connaît le mal, et pourrait ne pas le commettre. Elles savent ce qu’est le mal. Elles ont toutes ce sentiment obscur que leurs actes les engagent, et qu’ils retentissent dans d’autres destinées.


Le mystère du mal… Il n’existe pas deux manières de l’aborder : nous devons nier le mal, ou l’assumer tel qu’il se manifeste en nous et hors de nous dans notre propre histoire, celle de nos passions, et dans l’histoire extérieure, celle que la volonté de puissance des Empires écrit avec le sang des hommes. Qu’il existe entre les crimes individuels et les crimes collectifs un lien étroit, je l’ai toujours cru, – et le journaliste que je suis ne fait que déchiffrer au jour le jour, dans l’abomination quotidienne de l’histoire politique, la conséquence visible de l’histoire invisible qui se déroule au secret des cœurs.

 


Kazuo Ishiguro : prix Nobel de Littérature 2017


Kazuo Ishiguro reçoit le prix Nobel de littérature

A propos de l'auteur :

Né à Nagasaki en 1954, naturalisé britannique à l’âge de treize ans, Kazuo Ishiguro a écrit huit romans, ainsi que plusieurs scénarios pour le cinéma et la télévision.

 

L'avis de l'Académie suédoise :

« Dans des romans d’une grande force émotionnelle, Kazuo Ishiguro a mis à jour l’abîme qui se cache sous l’illusion que nous avons de notre relation au monde. »


Extraits de son discours :

A l’âge vingt-cinq ans, je commençais à accepter l’idée que « mon » Japon ne correspondait à aucun endroit où je pouvais me rendre en avion ; que le mode de vie décrit par mes parents, dont je me souvenais depuis ma petite enfance, avait en grande partie disparu au cours des années 1960 et 1970. Pire encore, je compris qu’à mesure que je vieillissais, mon Japon – cet endroit précieux dans lequel j’avais grandi – devenait de plus en plus flou.


C’est le sentiment que mon Japon était unique, et en même temps terriblement fragile, qui m’engagea dans un acte urgent de préservation. Isolé dans ma petite chambre de Norfolk, je me mis à coucher sur papier les couleurs de ce monde, ses mœurs, sa dignité, ses défauts, tout ce dont je me souvenais de cet endroit, avant qu’il ne disparaisse à jamais de mon esprit. Je voulais reconstruire mon Japon dans la fiction, le préserver, pouvoir désigner ensuite tel livre et dire : « Oui, mon Japon existe là-dedans. »


Un soir de 2001, je regardais un film de Howard Hawks intitulé Train de luxe. Le film est construit autour d'une performance comique de John Barrymore, l'un des grands acteurs de l’époque. À bien des égards, le jeu de Barrymore est brillant. Pourtant, à mesure que le film se déroulait, je ne parvenais pas à m’y intéresser. Cela m'a d'abord interpelé. Puis, au bout d'une heure de film, une idée simple et marquante m'est venue : la raison pour laquelle tant de personnages vivants et convaincants dans les romans, les films et les pièces de théâtre ne me touchent pas, est que ces personnages ne se connectent à aucun des autres personnages dans une relation humaine intéressante.


J'ai alors pensé à la célèbre théorie d'E.M. Forster selon laquelle il existe des personnages tridimensionnels et des personnages bidimensionnels. Un personnage devenait tridimensionnel, dit-il, lorsqu'il « nous surprend de manière convaincante ». Mais que se passerait-il, me demandai-je alors, si un personnage était tridimensionnel, mais qu’aucune de ses relations ne l’était ? Toutes les bonnes histoires doivent contenir des relations qui nous émeuvent, nous amusent, nous mettent en colère, nous surprennent.


À partir de ce moment-là, je me suis mis à construire mes histoires différemment. Pour mon roman Auprès de moi toujours, je suis parti du triangle amoureux central, puis j’ai construit les autres relations qui en découlaient.


C'est de cette manière qu’un écrivain vit des tournants importants dans sa carrière. Il s’agit de petites étincelles silencieuses et intérieures. Elles ne sont pas fréquentes, mais lorsqu’elles se produisent, il est important de les reconnaître pour ce qu’elles sont.


Les histoires peuvent divertir, enseigner un précepte ou défendre une idée. Mais pour moi, elles doivent avant tout communiquer des sentiments. Au fond, cela se résume à une personne qui dit à une autre : « Voilà ce que je ressens. Me comprends-tu ? Ressens-tu la même chose ?

 

🗒️ A lire également : la traduction de l'article « Kazuo Ishiguro : comment j’ai écrit Les Vestiges du jour en quatre semaines » paru dans le journal The Guardian, édition du 6 décembre 2014.



Isaac Bashevis Singer : prix Nobel de Littérature 1978


Isaac Bashevis Singer reçoit le prix Nobel de littérature

A propos de l'auteur :

Isaac Bashevis Singer (1904-1991) est un écrivain juif polonais naturalisé américain. Il est l’auteur de vingt romans, douze recueils de nouvelles, et d’une vingtaine d’autres ouvrages (récits autobiographiques, littérature jeunesse), tous écrits en yiddish.

 

L'avis de l'Académie suédoise :

« L’art de conter d’Isaac Bashevis Singer prend racine dans la culture et les traditions judéo-polonaises et ressuscite l'universalité de la condition humaine. »


Extraits de son discours :

L'écrivain sérieux doit se préoccuper des problématiques de sa génération. Il ne peut que constater le déclin de la religion. Il ne peut ignorer le fait que la famille ait perdu son fondement spirituel. Aucune avancée technologique ne peut atténuer la solitude de l’homme moderne, son sentiment d’infériorité et sa peur de la guerre, de la révolution et de la terreur. Notre génération a perdu non seulement la foi dans la Providence, mais aussi dans l’homme lui-même, dans ses institutions, et parfois même dans ceux qui lui sont les plus proches.


En tant que fils d'un peuple qui a vécu les pires atrocités que la folie humaine puisse commettre, je me dois de m’appesantir sur les dangers à venir. Souvent, je renonce à trouver une véritable issue à nos problématiques. Mais un nouvel espoir finit toujours par surgir.


Je n’ai pas honte d’admettre que j’appartiens à ceux qui croient que la littérature est capable d’ouvrir de nouveaux horizons et d’amener nouvelles perspectives. Tout en nous divertissant, le poète continue à chercher les vérités éternelles, l'essence de l'être. A sa manière, il tente de résoudre l'énigme du temps et du changement, de trouver une réponse à la souffrance, de révéler l'amour au plus profond de la cruauté et de l'injustice. Aussi étrange que ces mots puissent paraître, je crois en l’idée que lorsque toutes les théories sociales s’effondreront et que les guerres et les révolutions laisseront l’humanité dans la plus grande tristesse, le poète – que Platon a banni de sa République – se dressera et nous sauvera tous.

 

🗒️ A lire également : notre article « Les écrivains au travail : Isaac Bashevis Singer »



Gabriel Garcia Marquez : prix Nobel de Littérature 1982


Gabriel Garcia Marquez reçoit le prix Nobel de littérature

A propos de l'auteur :

Gabriel Garcia Marquez  (1927-2014) est un écrivain colombien, auteur de onze romans et d’une dizaine d’autres ouvrages.

 

L'avis de l'Académie suédoise :

« Les romans et les nouvelles de Gabriel Garcia Marquez allient le fantastique et le réel dans la complexité riche d'un univers poétique reflétant la vie et les conflits d'un continent. »


Extraits de son discours :

L’Amérique latine ne veut pas et ne doit pas être un pion sans volonté propre. De même que ses aspirations à l’indépendance et à l’originalité ne doivent pas devenir une aspiration occidentale. Les progrès de la navigation ont réduit la distance géographique entre nos Amériques et l’Europe ; pourtant, notre distance culturelle semble s’être accrue. Pourquoi l'originalité qui nous est admise sans réserve dans la littérature nous est-elle refusée avec toutes sortes de suspicion dans nos très difficiles tentatives de changement social ? Pourquoi penser que la justice sociale que les pays européens progressistes tentent d’imposer dans leurs pays ne peut pas aussi être un objectif latino-américain avec des méthodes différentes et des conditions différentes ? Comme si aucun autre destin n’était possible que de vivre à la merci des deux grands propriétaires du monde ? Ceci, mes amis, montre l’ampleur de notre solitude.


Mon professeur William Faulkner a déclaré ici : « Je refuse d’admettre la fin de l’homme ». Je ne me sentirais pas digne d’occuper cette place qui est la sienne aujourd’hui, si je n’étais pas pleinement conscient que, pour la première fois depuis les origines de l’humanité, le désastre colossal* qu’il refusait d’admettre il y a trente-deux ans n’est plus qu’une simple possibilité scientifique. Face à cette réalité bouleversante, nous, inventeurs de fables qui croyons à tout, nous sentons en droit de croire qu'il n'est pas encore trop tard pour entreprendre la création d'une utopie opposée. Une nouvelle et dévastatrice utopie de la vie, où personne ne peut décider à la place des autres de la façon de mourir, où l'amour est vrai et le bonheur possible, et où les races condamnées à cent ans de solitude ont enfin une seconde chance sur terre.

 

*William Faulkner, lors de son couronnement par l’Académie suédoise en 1949, mentionnait l’extinction de l’Homme.

 

🗒️ A lire également : notre article « Les écrivains au travail : Gabriel Garcia Marquez ».



Han Kang : prix Nobel de Littérature 2024

 

Han Kang lors de son discours à l'Académie suédoise en 2024

L'avis de l'Académie suédoise :

Han Kang se voit décerner le prix « pour la profondeur de sa prose poétique qui s'oppose aux traumatismes de l'histoire et révèle la fragilité de la vie humaine. »


A propos de l'auteure :

Ecrivaine sud-coréenne née à Gwangju en 1970, Han Kang est l’auteure de onze romans, quatre recueils de nouvelles, deux essais et un recueil de poésie. Le premier de ses livres à avoir été traduit en français est La Végétarienne, en 2015.

 

Extraits de son discours :

J’ai mis entre un an et sept ans pour écrire chacun de mes livres. Ce qui m'attire dans ce travail, c’est la façon dont je peux approfondir et m'attarder sur des questions qui me semblent urgentes et impératives, à tel point que j'accepte de faire passer l’écriture avant tout le reste, y compris ma vie personnelle.


Lorsque je travaille sur un roman, je vis à l'intérieur de ces questions, je les endure. Quand j’arrive au bout de ces questions – ce qui n'est pas la même chose que de trouver des réponses –, je sais alors que je suis à la fin du processus d’écriture. À ce moment-là, je ne suis plus la même. Et à partir de ce changement d’état, je recommence ; j’écris un nouveau livre. Les questions suivantes se succèdent, comme les maillons d'une chaîne, ou comme des dominos, qui se chevauchent, se rejoignent et se poursuivent.


Un jour de printemps 2012, alors que je m'essayais à écrire un roman lumineux, mettant en avant la vie, je fus une fois de plus confrontée à un problème non résolu : depuis longtemps j’avais perdu confiance dans les humains. Comment, alors, embrasser le monde ? Je devais faire face à cette énigme impossible si je voulais avancer. Je compris alors qu'écrire était le seul moyen de dépasser ce problème et de m'en sortir.


Quand j'écris, j'utilise mon corps. J'utilise tous les détails sensoriels : la vue, l’ouïe, le toucher, le goût, la chaleur, le froid, la tendresse, la douleur, le fait de remarquer que mon cœur bat plus fort, que mon corps a besoin de nourriture et d'eau, le fait de marcher, de courir, de sentir le vent, la pluie et la neige sur ma peau, le fait de serrer mes mains. J'essaie d'infuser dans mes phrases ces sensations vives que je ressens en tant qu'être mortel, comme si j'envoyais un courant électrique. Et quand je sens ce courant se transmettre au lecteur, je suis toujours émue. Dans ces moments, je ressens à nouveau le fil du langage qui nous relie, la manière dont mes questions sont liées aux lecteurs, à travers cet être électrique et vivant. Je voudrais exprimer ma plus profonde gratitude à tous ceux qui se sont connectés avec moi à travers ce fil, ainsi qu'à tous ceux qui seront amenés à l’être.


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Traduction : Christine Leang


Retrouvez l'intégralité de ces discours (en anglais) sur le site officiel du prix Nobel : https://www.nobelprize.org/



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